mardi 30 octobre 2012

17 ados mamans



Une bande de lycéennes décide de tomber enceinte


Tout a commencé par un accident de capote qu'a subi Camille et qui la mise enceinte. Puis cette « leadeuse » a réussi à convaincre ses copines de faire la même chose.


Il y a bientôt un an j'ai découvert 17 filles au cinéma, le premier film de Muriel et Delphine Coulin. Très intrigués par le synopsis j'ai répondu présente à l'invitation. Deux femmes blondes entre 30 et 40 ans attendent devant l'écran que la salle se remplisse. Les deux soeurs se ressemblent par leur minceur et la douceur qui émane de leur visage. Elles ont décidé de porter à l'écran une histoire qui sort de l'ordinaire. Inspiré d'un fait divers survenu en 2008 dans le Massachusetts, le film raconte comment dix-sept lycéennes ont choisi de devenir mères ensemble. Les soeurs Coulin avaient précédemment réalisé des courts métrage sur des thèmes similaires : la féminité, la relation qu'entretiennent les femmes avec leur corps, l'adolescence... 

Pour ce premier long métrage, elles ont tourné à Lorient, leur ville natale. Initialement l'histoire se déroule à Gloucester (aux USA) mais les réalisatrices ont préféré le Morbihan, un environnement connu. On note d'ailleurs l'esthétique des prises de vue de la ville et particulièrement de la plage. Elles ont trouvé une grande similarité entre Gloucester et Lorient, ports de commerce et de pêche dont l'activité a beaucoup décliné. Les ados y sont las, rejettent la vie de leurs parents et veulent s'enfuir à tout prix. L'ennui et le fossé avec les adultes sont des explications possibles du geste surprenant des dix-sept jeunes filles.
Les garçons sont « utilisés » et n'ont aucune importance, tout ce qu'elles désirent c'est avoir chacune un enfant. Bercées d'utopie, elles imaginent fonder une communauté et vivre ensemble. Les adultes qui les entourent ne comprennent pas leur choix. Ni les professeurs du lycée qu'elles fréquentent, ni leurs parents, ni même les autres élèves (qui les observent avec admiration) ne peuvent expliquer leur décision.



« 16 ans d'écart avec son môme c'est idéal »

A travers leur geste, les filles pensent sauter le pas et devenir enfin femmes. Elles ne veulent plus entendre les réflexions de leurs parents : « range ta chambre, fais ton lit... ». Elles pensent pouvoir s'en sortir en élevant leurs enfants en groupe et trouvent que « 16 ans d'écart avec leur môme c'est idéal, pas de choc des générations ! ».
En rejetant les codes de bonne conduite traditionnels elles veulent juste « donner l'amour qu'elles ont à donner à un bébé » et être aimées en retour.

Les soeurs Coulin offrent un film touchant et à aucun moment moralisateur (lors d'une réunion d'enseignants toutes les opinions fusent, cette scène permet au film de ne pas prendre parti pour ou contre l'acte des filles). On constate aussi qu'un beau travail de préparation a été effectué pour rendre crédible la complicité étroites entre  les actrices, pour la plupart amatrices. Les cinq principales filles sont convaincantes et émouvantes. Cependant Camille, l'initiatrice du « pacte de grossesse » (incarnée par Louise Grinberg, découverte dans Entre les Murs) se démarque par son charisme et sa force de caractère. Au fil des mois de grossesse, on voit dans ses yeux bleus clairs se transformer la détresse et l'ennui en l'espoir d'une vie meilleure, avec son enfant. Malheureusement il en sera autrement. L'avenir du film est quant à lui bien plus enthousiasmant. Après avoir été nommé pour la Caméra d'or du Festival de Cannes 2011, il a reçu le prix Michel-d'Ornano au Festival de Deauville.





Thérèse Desqueyroux, une femme prisonnière de son destin

Sortie le 21 novembre 2012
Réalisé par Claude Miller
Genre : Drame


Note : 4/5

Film très esthétique, lent et puissant. Une histoire captivante adaptée (très fidèlement) du roman de François Mauriac (1927). Le réalisateur offre de nombreux gros plans sur des visages, des objets ou des parties du corps ainsi que des plans larges de paysage. Les vues sur la pinède (le film se déroule dans les Landes) ou la plage sont superbes. La pinède évolue au cours de saisons et la lenteur des scènes évoque l’ennui et la lassitude deThérèse, qui subit son destin (mariage arrangé entre deux familles riches).

Le casting est de grande qualité : Audrey Tautou, Gilles Lelouche, Anais Démoustier, Catherine Arditi, Isabelle Sadoyan ou encore Stanley Weber. Tous sont très convainquants. Les acteurs sont charismatiques, on sent bien Claude Miller les a choisis avec soin, pour leur authenticité et leurs particularités.
Même Gilles Lellouche dans son personnage de Bernard Desqueyroux arrive à mêler naïveté et force de caractère. Il incarne avec brio une brute épaisse, prêt à tout pour protéger l’honneur de sa famille. Il touche le spectateur par sa dévotion pour Thérèse, sa femme en particulier pendant sa grossesse. Il est omnibulé par l’enfant à tel point que Thérèse a l’impression de n’être plus qu’une « couveuse », elle ne sent plus exister.

Anaïs Demoustier, moins présente est néanmoins très juste et touchante dans son rôle de jeune innocente amoureuse. Son personnage (Anna) a une importance majeure, c’est sa furtive aventure avec le beau Jean Azevedo (Stanley Weber) qui provoque la jalousie de Thérèse D et lui fait prendre conscience de ce qu’elle rate et n’aura jamais.


On retrouve la très fragile Audrey Tautou d’Ensemble c’est tout (de Claude Berri) ou de La Délicatesse (de David Foenkinos) qui se laisse dépérir durant le film. Privée de toute liberté, elle n'a plus goût à rien.

Elle joue en toute retenue, le spectateur sent qu’elle cache quelque chose. Son mystérieux regard, perdu dans le vide, exprime toutes ses émotions. Elle souffre d’un mal qu’elle ne comprend pas et qu’elle n’arrive pas à exprimer. Elle sait simplement qu’elle n’est pas à sa place (dans sa maison de province avec son mari qu’elle n’aime pas ou si peu).



Ce qui étonne beaucoup dans ce film est le fait qu’on ne perçoit pas Thérèse comme un monstre (bien qu’elle ait tenté d’empoisonner son mari) mais plutôt comme une victime. Enfermée dans une vie qu’elle n’a pas choisie et où elle ne trouve aucune joie, elle inspire pitié et tristesse. Les rares moments du film où on peut voir se dessiner un sourire sur son visage sont les moments où enfant elle joue avec Anna, ou bien à la fin du film lorsqu’elle est enfin libre et part à Paris.

A l’époque des mariages arrangés de nombreuses femmes ont du s’identifier au personnage de Thérèse Desqueyroux et rêver d’empoisonner accidentellement leurs maris. En plus d’être un film fin et délicat (par la beauté des images et la qualité du jeu d’acteurs), le regretté Claude Miller a réalisé un portrait sociétal.